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Étonné, l’attention éveillée de nouveau, Nani regarda le jeune homme.

— Au Vatican ? vous y avez un cousin ?

— Mais oui, monsignor Gamba del Zoppo.

— Gamba !… Gamba !… Oui, oui ! excusez-moi, je me souviens… Ah ! vous avez songé à Gamba pour agir près de Sa Sainteté. Sans doute, c’est une idée, il faut voir, il faut voir…

Plusieurs fois, il répéta la phrase pour se donner le temps de voir lui-même, de discuter intérieurement l’idée. Monsignor Gamba del Zoppo était un brave homme, sans rôle aucun, dont la nullité avait fini par être légendaire au Vatican. Il amusait de ses commérages le pape, qu’il flattait beaucoup, et qui aimait se promener à son bras, dans les jardins. C’était pendant ces promenades qu’il obtenait à l’aise toutes sortes de petites faveurs. Mais il était d’une poltronnerie extraordinaire, il craignait à un tel point de compromettre son influence, qu’il ne risquait pas une sollicitation, sans s’être longuement assuré qu'il ne pouvait en résulter pour lui aucun tort.

— Eh mais ! l’idée n’est pas mauvaise, déclara enfin Nani. Oui, oui ! Gamba pourra vous obtenir l’audience, s’il le veut bien… Je le verrai moi-même, je lui expliquerai l’affaire.

Pour conclure, d’ailleurs, il se répandit en conseils d’extrême prudence. Il osa dire qu’il lui semblait sage de se méfier beaucoup de l’entourage du pape. Hélas ! oui, Sa Sainteté était si bonne, croyait si aveuglément au bien, qu’elle n’avait pas toujours choisi ses familiers avec le soin critique qu’elle aurait dû y mettre. Jamais on ne savait à qui l’on s’adressait, ni dans quel piège on pouvait poser le pied. Même il donna à entendre qu’il ne fallait, à aucun prix, s’adresser directement à Son Éminence le secrétaire d’État, parce qu’elle-même n’était pas libre, se trouvait au centre d’un foyer d’intrigues dont la complication la paralysait, dans ses meilleures