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se noyait d’un tel inconnu, que l’opinion finissait par être que, si le pape actuel vivait encore quelques années, ce ne serait sûrement ni Boccanera, ni Sanguinetti qui lui succéderait.

Brusquement, Pierre interrompit Narcisse.

— Et monsignor Nani, le connaissez-vous ? J’ai causé avec lui hier soir… Tenez ! le voici qui vient d’entrer.

En effet, Nani entrait dans l’antichambre, avec son sourire, sa face rose de prélat aimable. Sa soutane fine, sa ceinture de soie violette, luisaient, d’un luxe discret et doux. Et il se montrait très courtois à l’égard de l’abbé Paparelli lui-même, qui l’accompagnait humblement, en le suppliant de vouloir bien attendre que Son Éminence pût le recevoir.

— Oh ! murmura Narcisse, devenu sérieux, monsignor Nani est un homme dont il faut être l’ami.

Il savait son histoire, il la conta à demi-voix. Né à Venise, d’une famille noble ruinée, qui avait compté des héros, Nani, après avoir fait ses premières études chez les Jésuites, vint à Rome étudier la philosophie et la théologie au Collège romain, que les Jésuites tenaient. Ordonné prêtre à vingt-trois ans, il avait tout de suite suivi un nonce en Bavière, à titre de secrétaire particulier ; et, de là, il était allé, comme auditeur de nonciature, à Bruxelles, puis à Paris, qu’il avait habité pendant cinq ans. Tout semblait le destiner à la diplomatie, ses brillants débuts, son intelligence vive, une des plus vastes et des plus renseignées qui pût être, lorsque, brusquement, il fut rappelé à Rome, où, presque tout de suite, on lui confia la situation d’assesseur du Saint-office. On prétendit alors que c’était là un désir formel du pape, qui, le connaissant bien, voulant avoir au Saint-Office un homme à lui, l’avait fait revenir, en disant qu’il rendrait beaucoup plus de services à Rome que dans une nonciature. Déjà prélat domestique, Nani était depuis peu chanoine de Saint-Pierre et protonotaire apostolique participant, en passe de