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un instant dans la salle du trône, puis revint appeler d’un signe Pierre, qu’il annonça d’une voix légère.

— Monsieur l’abbé Pierre Froment.

La salle, très grande, était une ruine, elle aussi. Sous l’admirable plafond de bois sculpté et doré, les tentures rouges des murs, une brocatelle à grandes palmes, s’en allaient en lambeaux. On avait fait quelques reprises, mais l’usure moirait de tons pâles la pourpre sombre de la soie, autrefois d’un faste éclatant. La curiosité de la pièce était l’ancien trône, le fauteuil de velours rouge où prenait place jadis le Saint-Père, quand il rendait visite au cardinal. Un dais, également de velours rouge, le surmontait, sous lequel se trouvait accroché le portrait du pape régnant. Et, selon la règle, le fauteuil était retourné contre le mur, pour indiquer que personne ne devait s’y asseoir. D’ailleurs, il n’y avait pour tout mobilier, dans la vaste salle, que des canapés, des fauteuils, des chaises, et une merveilleuse table Louis XIV, de bois doré, à dessus de mosaïque, représentant l’enlèvement d’Europe.

Mais Pierre ne vit d’abord que le cardinal Boccanera, debout près d’une autre table, qui lui servait de bureau. Dans sa simple soutane noire, lisérée et boutonnée de rouge, celui-ci lui apparaissait plus grand et plus fier encore que sur son portrait, dans son costume de cérémonie. C’étaient bien les cheveux blancs en boucles, la face longue, coupée de larges plis, au nez fort et aux lèvres minces, et c’étaient les yeux ardents éclairant la face pâle, sous les épais sourcils restés noirs. Seulement, le portrait ne donnait pas la souveraine et tranquille foi qui se dégageait de cette haute figure, une certitude totale de savoir où était la vérité, et une absolue volonté de s’y tenir à jamais.

Boccanera n’avait pas bougé, regardant fixement, de son regard noir, s’avancer le visiteur ; et le prêtre, qui connaissait le cérémonial, s’agenouilla, baisa la grosse