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— Le cardinal Sanguinetti, préfet de la congrégation de l’Index.

Mais l’abbé Paparelli se prodiguait, s’empressait, répétait d’un air de béate satisfaction :

— Votre Éminence révérendissime est attendue. J’ai ordre de l’introduire tout de suite… Il y a déjà là Son Éminence le Grand Pénitencier.

Sanguinetti, la voix haute, le pas sonore, eut un éclat brusque et familier.

— Oui, oui, une foule d’importuns qui m’ont retenu ! On ne fait jamais ce qu’on veut. Enfin, j’arrive.

C’était un homme de soixante ans, trapu et gras, la face ronde et colorée, avec un nez énorme, des lèvres épaisses, des yeux vifs toujours en mouvement. Mais il frappait surtout par son air de jeunesse active, turbulente presque, les cheveux bruns encore, à peine semés de fils d’argent, très soignés, ramenés en boucles sur les tempes. Il était né à Viterbe, avait fait ses classes au séminaire de cette ville, avant de venir à Rome les achever à l’Université Grégorienne. Ses états de service ecclésiastique disaient son chemin rapide, son intelligence souple : d’abord, secrétaire de nonciature à Lisbonne ; ensuite, nommé évêque titulaire de Thèbes et chargé d’une mission délicate, au Brésil ; dès son retour, fait nonce à Bruxelles, puis à Vienne ; et enfin cardinal, sans compter qu’il venait d’obtenir l’évêché suburbicaire de Frascati. Rompu aux affaires, ayant pratiqué toute l’Europe, il n’avait contre lui que son ambition trop affichée, son intrigue toujours aux aguets. On le disait maintenant irréconciliable, exigeant de l’Italie la reddition de Rome, bien qu’autrefois il eût fait des avances au Quirinal. Dans sa furieuse passion d’être le pape de demain, il sautait d’une opinion à une autre, se donnait mille peines pour conquérir des gens, qu’il lâchait ensuite. Deux fois déjà, il s’était fâché avec Léon XIII, puis avait cru politique de faire sa soumission. La vérité était que, candidat presque