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rard que Silviane accompagnait, jusque dans le vestibule, calmée, curieuse sans doute de savoir ce que Dutheil venait faire. Et l’apparition de la jeune femme le frappa d’étonnement, tellement elle lui sembla simple et douce, dans sa candeur immaculée de vierge. Jamais, au jardin de l’innocence, il n’avait rêvé un lis d’une plus délicieuse et plus discrète floraison.

— Alors, continua Duvillard, si vous voulez remettre cette carte tout de suite à ma femme, il faut que vous alliez chez madame la princesse de Harth, où il y a une matinée.

— J’y allais, monsieur le baron.

— Très bien… Vous y trouverez certainement ma femme, elle doit y conduire les enfants.

Il s’interrompit, il venait aussi d’apercevoir Gérard, qu’il appela.

— Dites donc, Gérard, ma femme a bien dit qu’elle allait à cette matinée, vous êtes certain que monsieur l’abbé l’y trouvera ?

Le jeune homme, qui se décidait à se rendre rue Matignon, pour y attendre Ève, répondit très naturellement :

— Si monsieur l’abbé se dépêche, je crois bien qu’il l’y trouvera, car elle doit y aller en effet, avant son essayage, chez Salmon.

Et il baisa la main de Silviane, il s’en alla, de son air de bel homme indolent et sans malice, que le plaisir lui-même lassait.

Un peu gêné, Pierre dut se laisser présenter à la maîtresse de la maison par Duvillard. Il s’inclina en silence, tandis qu’elle, muette aussi, lui rendait son salut, avec une pudique réserve, un tact approprié à la circonstance, dont aucune ingénue n’était alors capable, même à la Comédie. Et, pendant que le baron accompagnait le prêtre jusqu’à la porte, elle rentra dans le salon avec Dutheil. À peine derrière une portière, il lui avait passé un bras à la taille,