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ce qu’il avait à lui dire, l’embarrassant à un tel point, qu’il suait, bégayait, ne trouvait plus les mots.

— Sans doute, je me suis aussi occupé de vous, je suis allé aux Beaux-Arts, où l’on m’avait fait une promesse formelle… Oh ! ils sont toujours très chauds en votre faveur, aux Beaux-Arts !… Seulement, imaginez-vous, c’est cet imbécile de ministre, ce Taboureau, un vieux professeur de province, ignorant tout de notre Paris, qui s’est formellement opposé à votre nomination, en disant que, lui régnant, jamais vous ne débuteriez à la Comédie.

Elle ne dit qu’un mot, toute droite et rigide.

— Alors ?

— Eh bien ! alors, ma chère amie, que voulez-vous que je fasse ?… On ne peut pourtant pas renverser un ministère pour ce que vous jouiez Pauline.

— Pourquoi pas ?

Il affecta de rire, mais sa face se congestionnait, tout son grand corps s’agitait d’angoisse.

— Voyons, ma petite Silviane, ne vous entêtez pas. Vous êtes si gentille, quand vous voulez… Lâchez donc l’idée de ce début. Vous-même y risquez gros jeu, car quels seraient vos ennuis, si vous alliez échouer. Vous pleureriez toutes les larmes de votre corps… Et puis, vous pouvez me demander tant d’autres choses, que je serai si heureux de vous donner. Allons, là, tout de suite, faites un souhait, et je le réaliserai sur l’heure.

En plaisantant, il cherchait à lui reprendre les mains. Mais elle se recula, très digne. Et elle le tutoya, comme elle avait tutoyé Gérard.

— Tu entends, mon cher, plus rien, pas ça ! tant que je n’aurai pas joué Pauline.

Il avait compris, c’était l’alcôve fermée, même les petits jeux, les petits baisers sur la nuque défendus ; et il la connaissait assez, pour savoir avec quelle rigueur elle le sèvrerait. Sa gorge étranglé ne laissa échapper qu’une