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prendre les murs à témoin qu’il n’y pouvait rien. Sans doute craignait-il quelque mauvaise histoire pour son journal, où il avait abusé de l’Œuvre des Invalides du travail, comme arme électorale. Peut-être aussi la terreur secrète où la séance venait de le jeter, lui durcissait-elle le cœur.

— Je ne puis rien, je ne puis rien… Mais, naturellement, je ne demande pas mieux que vous me fassiez forcer la main par ces dames du comité. Vous avez déjà madame la baronne Duvillard, ayez-en d’autres.

Résolu à lutter jusqu’au bout, Pierre vit là une suprême tentative.

— Je connais madame la comtesse de Quinsac, je puis aller la voir tout de suite.

— C’est cela ! excellent, la comtesse de Quinsac ! Prenez une voiture et allez voir aussi madame la princesse de Harth. Elle se remue beaucoup, elle devient très influente… Ayez l’approbation de ces dames, retournez chez la baronne à sept heures, obtenez d’elle une lettre qui me couvre, et venez alors me trouver au journal. À neuf heures, votre homme couchera à l’Asile.

Il y mettait, maintenant, une sorte de rondeur joyeuse, n’ayant plus l’air de douter du succès, du moment qu’il ne risquait plus de se compromettre. Le prêtre fut repris d’un grand espoir.

— Ah ! monsieur, je vous remercie, c’est une œuvre de salut que vous allez faire.

— Mais vous pensez bien que je ne demande pas mieux. Si nous pouvions, d’un mot, guérir la misère, empêcher la faim et la soif… Dépêchez-vous, vous n’avez pas une minute à perdre.

Ils se serrèrent la main, et Pierre se hâta de sortir. Ce n’était point chose facile, les groupes avaient grandi, les colères et les angoisses de la séance refluaient là, en un tumulte trouble, de même qu’une pierre jetée au milieu