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— Monsieur l’abbé Froment, mon cher patron, qui vous attend depuis plus de vingt minutes… Moi, je vais voir un peu ce qui se passe là-dedans. Vous savez que Mège interpelle.

Le nouveau venu eut une légère secousse.

— Il y a une interpellation… Bon, bon ! j’y vais.

Pierre le regardait. Un petit homme d’une cinquantaine d’années, maigre et vif, resté jeune, avec toute sa barbe noire encore. Des yeux étincelants, une bouche perdue sous les moustaches et qu’on disait terrible. Avec cela, un air d’aimable compagnon, de l’esprit jusqu’au bout du petit nez pointu, un nez de chien de chasse toujours en quête.

— Monsieur l’abbé, en quoi puis-je vous être agréable ?

Alors, Pierre, brièvement, présenta sa requête, conta sa visite du matin à Laveuve, donna tous les détails navrants, demanda l’admission immédiate du misérable à l’Asile.

— Laveuve ? mais est-ce que son affaire n’a pas été examinée ? C’est Dutheil qui nous a présenté un rapport là-dessus, et les faits nous ont paru tels, que nous n’avons pu voter l’admission.

Le prêtre insista.

— Je vous assure, monsieur, que, si vous aviez été avec moi, ce matin, votre cœur se serait fendu de pitié. Il est révoltant qu’on laisse une heure de plus un vieillard dans cet effroyable abandon. Ce soir, il faut qu’il couche à l’Asile.

Fonsègue se récria.

— Oh ! ce soir, c’est impossible, absolument impossible. Il y a toutes sortes de formalités indispensables. Et moi, d’ailleurs, je ne puis prendre seul une pareille décision, je n’ai pas ce pouvoir. Je ne suis que l’administrateur, je ne fais qu’exécuter les ordres du comité de nos dames patronnesses.