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son éclat de phare dominant la terre, tout ce qui sortait de ses entrailles en tonnerres, en tempêtes, en clartés victorieuses, ne rayonnait que de la splendeur finale dont le bonheur humain serait fait.

Marie eut un léger cri d’admiration, montrant Paris du geste.

— Voyez donc ! Voyez donc ! Paris tout en or, Paris couvert de sa moisson d’or !

Chacun s’exclama, car l’effet était vraiment d’une extraordinaire magnificence, cet effet que Pierre avait déjà remarqué, le soleil oblique noyant l’immensité de Paris d’une poussière d’or. Mais, cette fois, ce n’étaient plus les semailles, le chaos des toitures et des monuments tel qu’une brune terre de labour, défrichée par quelque charrue géante, le divin soleil jetant à poignées ses rayons, pareils à des grains d’or, dont les volées s’abattaient de toutes parts. Et ce n’était pas non plus la ville avec ses quartiers distincts, à l’est les quartiers du travail embrumés de fumées grises, au sud ceux des études d’une sérénité lointaine, à l’ouest les quartiers riches, larges et clairs, au centre les quartiers marchands, aux rues sombres. Il semblait qu’une même poussée de vie, qu’une même floraison avait recouvert la ville entière, l’harmonisant, n’en faisant qu’un même champ sans bornes, couvert de la même fécondité. Du blé, du blé partout, un infini de blé dont la houle d’or roulait d’un bout de l’horizon à l’autre. Et le soleil oblique baignait ainsi Paris entier d’un égal resplendissement, et c’était bien la moisson, après les semailles.

— Voyez donc ! Voyez donc ! reprit Marie, pas un coin qui ne porte sa gerbe, jusqu’aux plus humbles toitures qui sont fécondes, et partout la même richesse d’épis, comme s’il n’y avait plus là qu’une même terre, réconciliée et fraternelle… Ah ! mon Jean, mon petit Jean, regarde, regarde comme c’est beau !