Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/606

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du bonheur autour de moi, il faudra que ton Jean aille un jour l’habiter, pour lui rendre toute une jeunesse.

Pierre, à son tour, avait pris les deux mains de son frère. Et, son regard dans le sien :

— Tu es heureux ?

— Oui, heureux, très heureux, plus heureux que je ne l’ai jamais été, heureux de t’aimer comme je t’aime, heureux d’être aimé de toi comme personne ne saurait m’aimer.

Leurs cœurs s’unirent dans cette ardente affection fraternelle la plus entière, la plus héroïque qui puisse fondre un homme dans un autre. Et ils s’embrassèrent, pendant que, son enfant au sein Marie, si gaie, si bien portante, si loyale, les regardait et souriait, avec de grosses larmes dans les yeux.

Mais Thomas, après la toilette dernière qu’il faisait au moteur, venait enfin de le mettre en marche. C’était un prodige de légèreté et de force, pesant un poids nul pour l’extrême énergie qu’il développait. Le fonctionnement en était d’une douceur parfaite, sans bruit, sans odeur. Et toute la famille, ravie, l’entourait, lorsqu’une visite vint à propos, le savant et amical Bertheroy, que Guillaume attendait, l’ayant justement prié de monter voir fonctionner le moteur.

Tout de suite, le grand chimiste se récria d’admiration, et quand il eut examiné le mécanisme, quand il eut compris surtout l’application de l’explosif comme source de force, une des idées qu’il préconisait depuis longtemps, il félicita Guillaume et Thomas avec enthousiasme.

— C’est une merveille que vous avez créée là, et l’emploi va en être d’une portée sociale et humaine incalculable. Oui, oui ! en attendant le moteur électrique qu’on ne tient pas encore, voilà le moteur idéal, la traction mécanique trouvée pour tous les véhicules, la navigation aérienne désormais possible, le problème de la force à