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fort, si rieur, né de lui. La vie avait enfanté de la vie, la vérité éclatait, triomphante comme le soleil. C’était la troisième expérience faite avec Paris, et celle-ci concluait, n’était pas comme les deux premières, avec Lourdes, puis avec Rome, un avortement misérable, plus de ténèbres et plus de douleur. D’abord, la loi du travail s’était révélée à lui, Pierre s’était imposé une tâche, la plus humble, ce métier manuel si tardivement appris, mais une tâche à laquelle il ne manquerait pas un jour, qui lui donnerait la sérénité du rôle accepté, du devoir accompli, car la vie elle-même n’était que du travail, le monde n’existait que par l’effort. Ensuite, il avait aimé, et son salut s’était fait par la femme et par l’enfant. Ah ! quel long détour, pour en arriver à ce dénouement si naturel, si simple ! comme il avait souffert, que d’erreurs et que de colères il avait remuées, avant de faire bonnement ce que tous les hommes doivent faire ! Cette tendresse éperdue, aux prises avec sa raison, cette tendresse qui avait saigné des absurdités de la grotte miraculeuse, que l’orgueilleuse caducité du Vatican avait ensanglantée à son tour, se contentait enfin chez l’époux et chez le père, chez l’homme confiant dans le travail, selon la juste loi de la vie. Et de là la vérité indiscutable, la solution du bonheur dans la certitude.

Mais Bache et Théophile Morin étaient partis, avec leurs poignées de main habituelles, en promettant de revenir causer un soir, tranquilles apôtres convaincus du lointain avenir. Et, comme Jean criait plus fort, Marie le prit dans ses bras, dégrafa son corsage pour lui donner à téter.

— Oh ! le mignon, c’est son heure, il n’oublie pas, lui !… Pierre, vois donc, je crois qu’il a grossi encore, depuis hier.

Elle riait, et Pierre s’approcha, riant aussi, pour baiser l’enfant. Puis, il baisa la mère, saisi d’un invincible