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Froment. Il raconta, en paroles hésitantes, que monsieur l’abbé Rose était bien malade, qu’il allait mourir et qu’il l’envoyait, pour dire que monsieur Pierre Froment vienne tout de suite, tout de suite.

Pierre, très ému, le suivit. Rue Cortot, dans le petit rez-de-chaussée humide, ouvrant sur un étroit jardin, il trouva l’abbé Rose couché, agonisant, ayant encore sa raison, sa parole douce et lente. Une religieuse le veillait, qui parut très surprise, très inquiète de la venue de ce visiteur qu’elle ne connaissait pas. Aussi comprit-il qu’on gardait le mourant et que celui-ci avait usé de ruse, en l’envoyant chercher par le fils du concierge. Cependant, lorsque l’abbé, de son air de bonté grave, eut prié la sœur de les laisser, elle n’osa pas se refuser à ce désir suprême, elle sortit.

— Ah ! mon cher enfant, que je désirais causer avec vous ! Asseyez-vous sur cette chaise, tout près du lit, pour que vous puissiez m’entendre, car c’est la fin, je ne serai plus là ce soir. Et j’ai à vous demander un si gros service !

Pierre, bouleversé de le retrouver si défait, la face toute blanche, ne gardant que l’éclat de ses yeux d’innocence et d’amour, se récria.

— Mais je serais venu plus tôt, si j’avais su que vous aviez besoin de moi ! Pourquoi ne m’avez-vous pas envoyé chercher ? Est-ce qu’on vous garde ?

L’abbé, embarrassé, eut un faible sourire de honte et d’aveu.

— Il faut que vous le sachiez, mon cher enfant, j’ai encore fait des sottises. Oui, j’ai donné sans savoir à des gens qui, paraît-il, ne méritaient pas d’aumônes. Enfin, tout un scandale, ils m’ont grondé à l’archevêché, ils m’ont accusé de compromettre la religion. Et, alors, quand ils ont su que j’étais malade, ils ont mis près de moi cette bonne sœur, parce qu’ils ont dit que j’allais