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dut s’arrêter et respirer, tant les battements de son cœur l’étouffaient.

De l’étroit palier, un escalier descendait, très raide, tout de suite obscur. Dans cette nuit de plus en plus profonde, Pierre se risqua, avec d’infinies précautions, posant les pieds doucement, pour ne faire aucun bruit. La main au mur, il se guidait, tournait, s’enfonçait comme en un puits. La descente d’ailleurs ne fut pas très longue. Et, lorsqu’il sentit la terre battue sous ses pieds, il s’arrêta, n’osa plus bouger, par crainte de trahir sa présence. Les ténèbres étaient d’une épaisseur d’encre. Un lourd silence, plus un bruit, plus un souffle. Comment se diriger ? Quel côté fallait-il prendre ? Il hésitait, lorsque, devant lui, à une vingtaine de pas, il vit luire une étincelle, la brusque lueur d’une allumette. C’était Guillaume qui allumait une bougie. Il reconnut ses larges épaules, il n’eut plus qu’à suivre la petite lumière, le long d’une sorte de couloir souterrain, maçonné et voûté. Le trajet lui parut interminable, et il lui sembla qu’il marchait vers le nord, sous la nef de la basilique.

Puis, tout d’un coup, la petite lumière s’arrêta, se fixa. Pierre continua de s’approcher doucement, resta dans l’ombre pour regarder. Au milieu d’une sorte de rotonde basse, sous la crypte, Guillaume venait de coller le bout de sa bougie sur le sol même ; et il s’était mis à genoux, il avait dérangé une longue pierre plate, qui semblait fermer un trou. On était là dans les fondations, on y voyait un de ces piliers, un de ces puits où l’on avait coulé du béton, pour soutenir l’édifice. C’était contre le pilier même que le trou s’enfonçait, soit feillure naturelle lézardant le terrain, soit fente profonde produite par un tassement. D’autres piliers s’indiquaient aux alentours, que la lézarde paraissait aussi gagner, par des fendillements ramifiés en tous sens. Et Pierre, à voir son frère penché ainsi, tel qu’un mineur examinant une dernière fois la mine qu’il