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Il eut un sourire complaisant, en disant à l’actrice :

— Votre voiture vous attend au coin de la rue de Montpensier, n’est-ce pas ? Eh bien ! je me charge d’y conduire la princesse. Ce sera plus simple, vous rentrerez ensemble.

— Ah ! que vous êtes mignon ! cria Rosemonde. C’est entendu.

La porte fut ouverte, les hommes entrèrent, se répandirent en félicitations. Mais il fallut vite regagner la salle pour le cinquième acte. Et ce fut le triomphe, la salle croula, lorsque Silviane déclama le fameux : « Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée », avec un élancement de sainte martyre qui monte au ciel. On n’était pas plus âme. Quand on rappela les artistes, Paris fit une ovation dernière à cette vierge du théâtre qui jouait si bien les catins à la ville, selon le mot de Sanier.

Duvillard, tout de suite, passa par les coulisses avec Dutheil, pour aller prendre Silviane, pendant qu’Hyacinthe conduisait Rosemonde à la voiture, qui stationnait au coin de la rue de Montpensier. Ensuite, le jeune homme attendit. Et il sembla tout égayé, lorsque son père, qui arrivait avec Silviane, fut arrêté par un geste de celle-ci, comme il voulait monter à son tour.

— Non, mon cher, pas ce soir. J’ai une amie.

La petite mine rieuse de Rosemonde était apparue, au fond du coupé. Il demeura béant, pendant que la voiture filait, emmenant les deux femmes. Lui qui, depuis tant de jours, travaillait à rentrer en grâce !

— Mon cher, que voulez-vous ? expliquait Hyacinthe à Dutheil, un peu choqué lui-même. J’avais d’elle par-dessus la tête, et je l’ai donnée à Silviane.

Duvillard, étourdi, restait sur le trottoir, dans la galerie devenue déserte, lorsque Chaigneux, qui s’en allait harassé, le reconnut, se précipita, pour lui annoncer que Fonsègue avait réfléchi et que l’article de Massot pas-