Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/527

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Ah ! mon petit, te voilà !… Dépêche-toi, si tu veux m’embrasser. Je file, et bien heureuse.

Il l’embrassa. Puis, doctement :

— Je te croyais plus forte. Depuis ce matin, tu montres une joie qui me dégoûte.

Elle se contenta de le regarder avec un mépris tranquille. Il continua.

— Ton Gérard que tu manges des yeux, tu sais bien qu’elle te le reprendra, dès que vous reviendrez.

Ses joues blêmirent, ses yeux s’embrasèrent. Et, marchant sur son frère, les poings serrés :

— Elle ! tu dis qu’elle me le reprendra !

C’est de leur mère qu’ils parlaient.

— Écoute, mon petit, je la tuerai plutôt. Ah ! non, qu’elle ne compte pas sur cette saleté, parce que l’homme qui est à moi, vois-tu, je le garde… Et toi, tu feras bien de me laisser tranquille avec tes méchancetés, car tu sais que je te connais, tu n’es qu’une fille et qu’une bête !

Il avait reculé, comme si une vipère dressait sa mince tête, aiguë et noire ; et il préféra battre en retraite, ayant toujours tremblé devant elle.

Alors, pendant que les derniers invités s’acharnaient, achevaient de dévaster le buffet, les adieux se firent, les mariés prirent congé, pour monter dans la voiture qui devait les conduire à la gare. Le général de Bozonnet s’était mis, dans un groupe, à dire une fois de plus sa désespérance chagrine, au sujet du service militaire obligatoire ; et il fallut que le marquis de Morigny le ramenât, au moment où la comtesse de Quinsac embrassait son fils et sa bru Camille, les mains tremblantes, si émue, que le marquis se permit pieusement de la soutenir. Hyacinthe s’était lancé à la recherche de son père, qu’on ne trouvait nulle part. Il finit par le découvrir, dans une embrasure de fenêtre, en grande conférence avec Chaigneux effondré, qu’il malmenait violemment, furieux d’apprendre le scru-