Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/522

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lorsqu’il eut compris que Chaigneux désirait simplement être certain qu’il occuperait, le soir, sa loge à la Comédie, il redoubla d’amabilité.

— Mais certainement, mon cher député, je serai là. Quand on a une si charmante filleule, on ne l’abandonne pas dans le danger.

Monferrand, qui écoutait d’une oreille, se tourna soudain.

— Et dites-lui que je compte bien y être aussi, et qu’elle aura de la sorte deux amis de plus dans la salle.

Duvillard, ravi, les yeux brillant d’émotion et de gratitude, s’inclina, comme si les deux ministres venaient de lui faire, personnellement, une grâce inoubliable.

Ce fut alors, après avoir lui-même profondément remercié, que Chaigneux aperçut Fonsègue. Il se précipita, il l’emmena un peu à l’écart.

— Ah ! mon cher collègue, il faut absolument que cette affaire s’arrange. Je la considère comme d’une importance capitale.

— Quoi donc ? demanda Fonsègue surpris.

— Mais cet article de Massot, que vous ne voulez pas laisser passer.

Carrément, le directeur du Globe déclara qu’il ne passerait pas. Il défendait la dignité, la gravité de son journal, et de tels éloges, donnés à une fille, à une simple fille, apparaîtraient monstrueux, salissants, dans une feuille dont il avait eu tant de peine à faire un organe austère, d’une moralité inattaquable. D’ailleurs, lui s’en moquait, parlait de Silviane en termes crus, disait qu’elle pouvait bien trousser ses jupes en public, et qu’il en serait. Mais le Globe, c’était sacré.

Chaigneux, déconcerté, éploré, insista.

— Voyons, mon cher collègue, faites un petit effort pour moi. Si l’article ne passe pas, Duvillard va croire que c’est de ma faute. Et vous savez que j’ai besoin de lui,