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daine et religieuse, était déployée, comme si l’on avait voulu faire de ce mariage, ainsi exalté, une fête publique, une victoire, une date marquant l’apogée d’une classe. Et il n’y avait pas jusqu’à l’impudence et à la bravade du monstrueux drame intime, connu de tous, affiché de la sorte, qui n’ajoutât à la cérémonie un éclat d’abominable grandeur. Mais on la sentit surtout, cette grandeur d’insolente domination, quand monseigneur Martha parut, en simple surplis, avec l’étole, pour la bénédiction. Grand, frais et rose, il souriait à demi, de son air de souveraineté aimable ; et ce fut avec une onction auguste qu’il prononça les paroles sacramentelles, en pontife heureux de réconcilier les deux grands empires dont il unissait les héritiers. On attendait curieusement son allocution aux mariés. Il y fut vraiment merveilleux, il y triompha lui-même. N’était-ce pas dans cette église qu’il avait baptisé la mère, cette Ève blonde si belle encore, cette Juive convertie par lui à la foi catholique, au milieu des larmes d’attendrissement de toute la haute société de Paris ? N’était-ce pas là encore qu’il avait fait ses trois fameuses conférences sur l’esprit nouveau, d’où dataient selon lui, la déroute de la science, le réveil du spiritualisme chrétien, la politique de ralliement qui devait aboutir à la conquête de la république ? Et il lui était bien permis, par de fines allusions, de se féliciter de son œuvre, en mariant un fils pauvre de la vieille aristocratie aux cinq millions de cette héritière bourgeoise, en laquelle triomphaient les vainqueurs de [sic], aujourd’hui maîtres du pouvoir. Seul, le quatrième état, le peuple, dupé, volé, n’était pas de la fête. Monseigneur Martha scellait en ces conjoints la nouvelle alliance, il réalisait la politique du pape, la sourde poussée de l’opportunisme jésuite, épousant la démocratie, le pouvoir et l’argent, pour s’en emparer. Dans sa péroraison, il se tourna vers Monferrand qui souriait, il sembla s’adresser à lui, en souhaitant aux