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soir, au journal, Fonsègue haussait les épaules, disait que c’était fou, qu’il n’y croyait pas.

Dutheil cligna de l’œil, plaisanta.

— Affaire dans le sac, mon bon. Fonsègue baisera les pieds du patron avant quarante-huit heures.

Et, guilleret, il laissa entendre quelle manne dorée allait de nouveau tomber sur la presse, sur les amis fidèles, sur tous les hommes de bonne volonté. Quand l’orage est passé, l’oiseau secoue ses ailes. Et il se montrait pimpant et jaseur, dans la joyeuse certitude du cadeau attendu, comme si jamais la fâcheuse affaire des Chemins de fer africains ne l’avait bouleversé et blêmi d’épouvante.

— Fichtre ! dit Massot, devenu sérieux, c’est alors mieux qu’un triomphe, ici, c’est encore la promesse d’une moisson nouvelle. Je ne m’étonne plus si l’on s’écrase !

À ce moment, les orgues éclatèrent puissamment en un chant de glorieux accueil. C’était le cortège qui faisait enfin son entrée dans l’église. Il y avait eu, dehors, pendant qu’il montait pompeusement les marches, sous le clair soleil, un long brouhaha parmi la foule, dont le flot, entassé jusque sur la chaussée de la rue Royale, entravait la circulation des fiacres et des omnibus. Et, maintenant, il pénétrait sous les hautes voûtes retentissantes, il s’avançait vers le maître-autel embrasé de cierges, entre les deux masses serrées des assistants, les hommes en redingote, les femmes en toilettes claires. Tous s’étaient mis debout, les faces se tendaient avec des sourires, brûlantes de curiosité.

D’abord, derrière le suisse magnifique, ce fut Camille au bras de son père, le baron Duvillard, qui avait son grand air superbe des jours de victoire. Elle, voilée d’un admirable point d’Alençon, que retenait le diadème de fleurs d’oranger, vêtue d’une robe de mousseline de soie plissée, sur un dessous de satin blanc, était si heureuse,