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son cousin, et Monferrand, ministre des Finances, président du Conseil. La tranquille bravade de ce dernier, compromis naguère dans les affaires du baron, acceptant aujourd’hui d’être le témoin de sa fille, ajoutait à son triomphe un éclat d’insolence. Et, comme pour passionner davantage encore les curiosités, la bénédiction nuptiale devait être donnée par monseigneur Martha, évêque de Persépolis, l’agent de la politique du pape en France, l’apôtre du ralliement, de la république conquise au catholicisme.

— Que dis-je, un mariage bien parisien ! répéta Massot en ricanant. C’est un symbole, ce mariage. L’apothéose de la bourgeoisie, mon cher, la vieille noblesse sacrifiant un de ses fils sur l’autel du veau d’or, et cela pour que le bon Dieu et les gendarmes, redevenus les maîtres de la France, nous débarrassent de ces fripouilles de socialistes.

Il se reprit :

— D’ailleurs, il n’y a plus de socialistes, on leur a coupé la tête, hier matin.

Dutheil, amusé, trouvait ça très drôle. Puis, confidentiellement :

— Vous savez que ça n’a pas été commode… Vous avez lu, ce matin, l’ignoble article de Sanier ?

— Oui, oui, mais je savais auparavant, tout le monde savait.

Et, à demi-voix, se comprenant d’un mot, ils continuèrent. Chez les Duvillard, la mère n’avait fini par donner son amant à sa fille que dans les larmes, après une lutte désespérée, cédant au seul désir de voir Gérard riche et heureux, gardant contre Camille sa haine atroce de rivale vaincue. Chez madame de Quinsac, un combat s’était livré aussi douloureux, la comtesse n’avait consenti, révoltée, que pour sauver son fils du danger où elle le savait depuis l’enfance, si touchante d’abnégation mater-