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héros, rester le martyr de la foi ardente de vérité et de justice, pour laquelle il mourait.

— On dresse l’acte de décès sur le livre d’écrou, continua Massot. Approchez-vous, mettez-vous contre la barrière, si vous voulez voir de près… Vous savez que j’étais plus pâle et plus tremblant que lui. Je crois bien que je me fiche de tout ; n’importe, ce n’est pas gai, cet homme qui va mourir… Vous ne vous imaginez pas les démarches, les efforts qu’on a faits pour le sauver. Une partie de la presse a demandé sa grâce. Et rien n’a réussi, l’exécution était inévitable, paraît-il, même aux yeux de ceux qui la regardent comme une faute. On avait pourtant une si touchante occasion de le gracier, lorsque sa fillette, cette petite Céline, a écrit au président de la république une belle lettre, que j’ai publiée le premier, dans le Globe… En voilà une lettre qui peut se vanter de m’avoir fait courir !

Au nom de Céline, Pierre, déjà bouleversé par l’attente de l’horrible spectacle, se sentit ému aux larmes. Il revoyait la fillette, il la revoyait avec la résignée et dolente madame Théodore, dans le dénuement de leur chambre froide, où le père ne rentrerait plus. C’était de là qu’il était parti, un matin de colère, le ventre vide, le crâne brûlant ; et il arrivait ici, entre ces deux poutres, sous ce couteau.

Massot continuait à donner des détails, racontant maintenant que les médecins étaient furieux, parce qu’ils craignaient de ne pouvoir se faire livrer le corps du supplicié, immédiatement après l’exécution. Mais Guillaume ne l’écoutait plus. Accoudé à la barrière de bois, il attendait, les yeux fixés sur la porte de la prison, toujours close. Un frémissement agitait ses mains, il avait un visage d’angoisse, comme si lui-même fût du supplice. Le bourreau venait de reparaître, un petit homme quelconque, l’air fâché, ayant hâte d’en finir. Puis, dans un