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voir… Vous allez me mener là-bas, tout près de leur machine.

Cela le consterna, d’autant plus qu’à ce moment elle aperçut Massot dans la rue, à la porte du marchand de vin, et qu’elle l’appela violemment du geste et de la voix. À la volée, une conversation s’engagea, du balcon au trottoir.

— N’est-ce pas, Massot, qu’un député force toutes les consignes et peut mener une dame où il veut ?

— Jamais de la vie ! Massot sait bien qu’un député doit être le premier à s’incliner devant la loi.

À ce cri de Dutheil, le journaliste comprit qu’il ne voulait pas quitter le balcon.

— Il vous aurait fallu une invitation, madame. On vous aurait casée à une des fenêtres de la Petite-Roquette. Pas une femme n’est tolérée ailleurs… Et ne vous plaignez pas, vous êtes très bien où vous êtes.

— Mais, mon petit Massot, je ne vois rien du tout.

— Vous en verrez toujours davantage que la princesse de Harth, dont je viens de rencontrer la voiture, rue du Chemin-Vert et que les agents refusent de laisser avancer.

Cette nouvelle remit Silviane en gaieté, tandis que Dutheil frémissait du danger couru ; car, sûrement, si Rosemonde l’apercevait avec une autre femme, elle lui ferait une scène désastreuse. Il eut une idée, il fit servir une bouteille de champagne et des gâteaux à sa belle amie, comme il la nommait. Elle se plaignait de mourir de soif, elle fut ravie d’achever de se griser, lorsque le garçon eut réussi à installer une petite table près d’elle, sur le balcon même. Dès lors, elle trouva cela très gentil, très crâne, de boire et de souper de nouveau, en attendant la mort de cet homme, qu’on allait guillotiner, là-bas.

Guillaume et Pierre ne purent rester plus longtemps. Ce qu’ils entendaient, ce qu’ils voyaient les soulevait de