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l’un et l’autre de ses grands yeux tendres, qui, eux aussi, s’emplissaient de larmes.

Et ce fut Guillaume qui eut l’inspiration de courir, d’appeler, du bas du petit escalier conduisant aux chambres.

— Mère-Grand ! Mère-Grand ! descendez, descendez vite, on a besoin de vous !

Puis, quand elle fut là, dans sa robe noire, mince et pâle, avec son grand air sage de reine mère, toujours obéie :

— Dites donc à ces deux enfants qu’ils n’ont rien de mieux à faire que de se marier ensemble. Dites-leur que nous en avons causé, vous et moi, et que c’est votre avis, votre volonté.

Elle eut, tranquillement, une petite approbation du menton.

— C’est vrai, les choses seront beaucoup plus raisonnables de la sorte.

Alors, Marie se jeta dans ses bras. Elle consentait, elle s’abandonnait à ces forces supérieures, aux puissances de la vie qui venaient de changer son existence. Tout de suite, Guillaume voulut qu’on fixât la date du mariage et qu’on s’inquiétât de préparer, en haut, un logement pour le jeune ménage. Et, comme Pierre le regardait avec une dernière inquiétude, et parlait de voyager, en craignant qu’il ne fût mal guéri et que leur présence ne le fît souffrir :

— Non, non ! je vous garde. Si je vous marie, c’est pour vous avoir là tous les deux… Ne vous tourmentez pas de moi. J’ai tant de travail ! Je travaillerai.

Le soir, lorsque Thomas et François apprirent la nouvelle, ils ne semblèrent pas trop surpris. Ils avaient sans doute senti venir ce dénouement. Et ils s’inclinèrent, ils ne se permirent pas un mot, du moment que leur père lui-même leur annonçait la décision, de son air de sérénité habituelle. Mais Antoine, tout frémissant de l’amour de la