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Pierre, à bout de résistance, s’était mis à pleurer doucement, entre ses mains jointes.

— Frère, petit frère, ne te fais pas de la peine, ni pour moi, ni pour toi… Te rappelles-tu les heureuses journées que nous avons passées ensemble, dans la petite maison de Neuilly, lorsque nous nous y sommes retrouvés, dernièrement ? Toute notre tendresse ancienne refleurissait en nous, et nous restions des heures, la main dans la main, à nous souvenir, à nous aimer… Et quelle terrible confession tu m’as faite un soir, ton incroyance, ta torture, le néant où tu roulais ! Aussi, je n’ai plus souhaité que de te guérir, je t’ai conseillé de travailler, d’aimer, de croire à la vie, convaincu que la vie seule te rendrait la paix et la santé… C’est pourquoi, ensuite, je t’ai amené ici, parmi nous. Tu luttais pour ne pas revenir, c’est moi qui t’ai retenu. Quand tu as repris goût a l’existence, que tu es redevenu simplement un homme et un travailleur, j’ai été si heureux ! J’aurais donné de mon sang pour que la cure fût complète… Eh bien ! c’est fait à cette heure, je t’ai donné tout ce que j’avais, puisque Marie elle-même t’est nécessaire et qu’elle seule te sauvera.

Et, comme Pierre allait tenter de protester encore :

— Ne dis pas non. Cela est tellement vrai que si elle n’achève pas l’œuvre commencée par moi, tout ce que j’ai fait est vain : tu retombes à ta misère, à ta négation, au tourment de ta vie manquée. Il te la faut. Veux-tu donc que je ne sache plus t’aimer, qu’après avoir désiré si ardemment ton retour à la vie, je te refuse le souffle, l’âme même, celle qui refera de toi un homme ? Je vous aime assez tous les deux pour consentir à ce que vous vous aimiez. C’est encore de l’amour, petit frère, que de donner son amour… Et puis, je le répète, la bonne nature sait bien ce qu’elle fait. L’instinct est sûr, car il va toujours à l’utile, au vrai. J’aurais été un triste mari, il vaut mieux que je m’en tienne à ma besogne de vieux