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— Meilleur, quand j’agonise, quand ma vie est dévastée !

Alors, elle se leva, elle vint à lui, rigide, très haute, dans sa mince robe noire, avec sa pâle face d’austérité et d’énergie.

— Mon fils, vous savez que je vous aime, que je vous veux très grand et très pur… L’autre matin, vous avez eu peur, cette maison a failli sauter. Depuis quelques jours, vous restez sur ces dossiers, sur ces plans, l’air distrait, éperdu, en homme pris de défaillance, qui doute et ne sait plus où il va… Croyez-moi, vous êtes dans un mauvais chemin, il vaut mieux que Pierre épouse Marie, pour eux et pour vous.

— Pour moi, oh ! non, non !… Que deviendrai-je, moi ?

— Vous, mon fils, vous vous calmerez, vous réfléchirez. Votre rôle est si grave, à la veille de faire connaître votre invention ! Il me semble que votre vue s’est troublée et que vous allez mal agir peut-être, en ne tenant pas compte des conditions du problème. Je sens que vous avez autre chose à trouver… Enfin, souffrez s’il le faut, mais restez l’homme d’une idée.

Puis, en le quittant, avec un sourire maternel, afin d’adoucir un peu sa rudesse :

— Vous me forcez à parler bien inutilement, car je suis tranquille, vous êtes trop supérieur, pour ne pas faire en tout la chose unique et juste, que personne autre ne ferait.

Resté seul, Guillaume tomba dans de fiévreuses réflexions. Qu’avait-elle voulu dire, avec ses rares paroles, à demi obscures ? Il la savait acquise à ce qui était bon, naturel et nécessaire. Mais elle le poussait à un héroïsme plus haut, elle venait d’éclairer en lui tout le malaise confus où le jetait son ancien projet d’aller confier son secret à un ministre de la Guerre, n’importe lequel, celui