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la vérité et de la justice. Mais, durant les heures interminables qu’il passait ainsi devant les papiers épars sur sa table, cessant de les voir parfois, les regards perdus au loin, un flot de pensées imprécises passait en lui, des doutes peut-être sur la sagesse de son projet, des craintes que son désir de pacifier les peuples ne les jetât à une guerre exterminatrice, sans fin. Ah ! ce grand Paris, qu’il croyait sincèrement être le cerveau du monde, chargé d’enfanter l’avenir, quel spectacle abominable il donnait encore, tant de sottise, tant de honte, tant d’injustice ! Était-il vraiment assez mûr, pour la besogne de salut humain qu’il songeait à lui confier ? Et, quand il se remettait à relire, à vérifier les formules, il ne retrouvait sa volonté ancienne, il ne reprenait son projet qu’à la pensée de son prochain mariage, en se disant que les choses étaient réglées depuis trop longtemps, pour qu’il bouleversât maintenant sa vie à vouloir les changer.

Son mariage ! n’était-ce pas l’idée qui hantait Guillaume, qui le troublait plus encore que son œuvre de savant, que sa passion de citoyen libertaire ? Sous toutes les préoccupations avouées, il y en avait une autre, qu’il ne se confessait pas à lui-même, et qui l’angoissait. Chaque jour, il se répétait que, lorsqu’il aurait épousé Marie, il révélerait le secret de son invention au ministre de la Guerre, il associerait sa jeune femme à sa gloire. Épouser Marie ! épouser Marie ! cela l’emplissait chaque fois d’une ardente fièvre et d’une inquiétude sourde. S’il se taisait à présent, s’il n’avait plus sa gaieté tranquille, c’était qu’il avait senti émaner d’elle toute une nouvelle vie, qu’il ne lui connaissait pas. Elle devenait certainement autre, il la devinait de plus en plus changée et lointaine. Et, lorsque Pierre se trouvait là, il s’était mis à les observer tous les deux. Pierre venait rarement, gêné, différent lui aussi. Puis, les matins où il arrivait, Marie était comme transformée, la maison semblait s’animer d’une autre âme.