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— Maintenant, dit le baron avec un geste désenchanté, il y en a tout l’hiver.

— Alors, demandait au même moment Gérard, c’est cet après-midi, la matinée de la princesse de Harth ?

Camille vivement intervint.

— Oui, cet après-midi. Irez-vous ?

— Non, je ne pense pas, je ne pourrai pas, répondit le jeune homme gêné.

— Ah ! cette petite princesse, s’écria Dutheil, elle est décidément toquée. Vous n’ignorez pas qu’elle se dit veuve. La vérité serait que son mari, un vrai prince, allié à une famille royale, et beau comme le jour, voyagerait par le monde en compagnie d’une cantatrice. Elle, avec sa tête de gamin vicieux, a préféré venir régner à Paris, dans cet hôtel de l’avenue Kléber, qui est bien l’arche la plus extraordinaire, où le cosmopolitisme pullule en pleine extravagance.

— Taisez-vous, mauvaise langue, interrompit doucement la baronne. Ici, nous aimons beaucoup Rosemonde, qui est une charmante femme.

— Mais certainement, reprit de nouveau Camille, elle nous a invités, et nous irons tantôt chez elle, n’est-ce pas, maman ?

La baronne, pour ne pas répondre, affecta de n’avoir pas entendu, pendant que Dutheil, qui paraissait très renseigné, continuait à s’égayer sur la princesse et sur la matinée qu’elle donnait, où elle devait produire des danseuses espagnoles, d’une mimique si lascive, que tout Paris, averti, allait s’écraser chez elle. Et il ajouta :

— Vous savez qu’elle a lâché la peinture, elle s’occupe de chimie. C’est plein d’anarchistes, à présent, dans son salon… Il m’a semblé qu’elle vous poursuivait, mon cher Hyacinthe.

Jusque-là, Hyacinthe n’avait pas desserré les lèvres, comme détaché de tout.