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princesse, de vous serrer un peu pour votre très fidèle admirateur.

Puis, donnant une poignée de main à Dutheil, il continua, sans transition :

— Alors, monsieur le député, c’est donc fait, ce ministère ?… Vous y avez mis le temps, mais c’est en vérité un beau ministère, qui émerveille tout le monde.

En effet, les décrets avaient paru à l’Officiel, le matin même. Après de longs jours de crise, et lorsque Vignon, pour la seconde fois, venait de voir sa combinaison échouer, au milieu des plus inextricables embarras, tout d’un coup Monferrand, appelé à l’Élysée, en désespoir de cause, était rentré en scène ; et, en vingt-quatre heures, il avait trouvé son personnel, fait approuver sa liste, de sorte qu’il remontait triomphalement au pouvoir, d’où il était tombé misérablement avec Barroux. Il changeait de portefeuille, il quittait l’Intérieur pour aller aux Finances, comme président du Conseil, sa lointaine et secrète ambition. Maintenant, apparaissait toute la beauté de son travail sourd, la façon magistrale dont il s’était repêché, avec l’arrestation de Salvat, puis l’extraordinaire campagne menée souterrainement contre Vignon, les mille obstacles dont il lui avait barré la route à deux reprises, enfin le dénouement en coup de foudre, cette liste toute prête, ce ministère bâclé en un jour, quand on avait eu besoin de lui.

— C’est du beau travail, mes compliments ! répéta le petit Massot, qui se moquait.

— Moi, je n’y suis pour rien, dit modestement Dutheil.

— Comment ? pour rien ! Vous en êtes, mon cher, tout le monde sait que vous en êtes.

Le député sourit, flatté. Aussi l’autre continua-t-il, avec des sous-entendus, avec des plaisanteries, qui faisaient accepter tout. Il parlait de la bande à Monferrand, de la clientèle qui, par besoin de sa victoire, l’avait si puissam-