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D’un léger haussement d’épaules, elle dit combien les poètes commençaient à l’ennuyer. Une nouvelle saute de caprice la jetait à la politique ; et, depuis huit jours, elle trouvait très amusant de se passionner aux alentours de la crise ministérielle. C’était le jeune député d’Angoulême qui l’initiait.

— Mon cher, lui dit-elle, ils sont tous un peu fous, chez les Duvillard… Vous savez que c’est chose décidée, Gérard épouse Camille. La baronne s’est résignée, et j’ai appris de source certaine que madame de Quinsac elle-même, la mère du jeune homme, a donné son consentement.

Dutheil s’égayait, l’air très renseigné aussi.

— Oui oui, je sais. Le mariage aura lieu prochainement à la Madeleine, oh ! un mariage d’une magnificence dont on causera… Que voulez-vous ? il ne pouvait y avoir de meilleur dénouement. La baronne, au fond, est la bonté même, et j’ai toujours dit qu’elle se sacrifierait pour assurer le bonheur de sa fille et de Gérard… En somme, ce mariage arrange tout, remet tout dans l’ordre.

— Eh bien ! et le baron, que dit-il ? demanda Rosemonde.

— Mais il est ravi, le baron ! Vous avez bien vu, ce matin, dans la liste du nouveau ministère, que Dauvergne a l’Instruction publique. Et c’est l’engagement certain de Silviane à la Comédie. Dauvergne n’a été choisi que pour ça.

Il plaisantait. Mais, à ce moment, le petit Massot, qui se querellait avec un huissier, aperçut de loin une place libre à côté de la princesse ; et, sur un geste de demande, celle-ci lui fit signe de venir.

— Ah bien ! dit-il en s’installant, ce n’est pas sans peine. On s’écrase au banc de la presse. Avec ça, j’ai une chronique à faire… Vous êtes la plus aimable des femmes,