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que de lui causer un souci d’une heure, il se serait condamné lui-même à une éternelle torture ! Et c’était bien sa torture qui recommençait, car s’il perdait Marie, il retombait à la détresse de son néant. Déjà, sur sa couche d’insomnie, l’abomination recommençait, la négation de tout, l’inutilité de tout, le monde sans signification aucune, la vie niée et maudite. Son frisson de la mort le reprit. Mourir, mourir, et sans avoir vécu !

Ah ! quelle lutte affreuse ! Jusqu’au jour, il se martyrisa, il gémit. Pourquoi avait-il ôté sa soutane ? Un mot de Marie la lui avait fait quitter, un mot de Marie lui donnait l’idée désespérée de la reprendre. On ne s’évadait pas de son cachot. Cette robe noire tenait à sa chair, il croyait ne plus la porter, mais elle lui mangeait toujours les épaules et il serait sage de s’y ensevelir à jamais. Au moins il porterait le deuil de sa virilité.

Puis, une idée encore le bouleversa. Qu’avait-il à se débattre ainsi ? Marie ne l’aimait point. Pendant leur promenade de la matinée, rien n’avait pu lui faire croire qu’elle l’aimait autrement qu’en sœur bonne et charmante. Elle aimait Guillaume sans doute. Et il étouffa de longs sanglots dans son oreiller, il fit le nouveau serment de se vaincre et de sourire à leur bonheur.