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bonhomie. Mais c’était encore autre chose, la santé du grand air, l’allégresse de l’exercice pris en commun, tout ce plaisir de se sentir libres et bien portants, en pleine nature.

Dans le wagon, où ils se trouvaient seuls, Marie revint à ses souvenirs du lycée.

— Oh ! mon ami, vous n’avez pas idée, à Fénelon, des belles parties de barres ! Nous attachions, comme ça, nos jupes avec des ficelles, pour mieux courir ; car on n’osait pas encore nous laisser mettre des culottes, telle que je suis là. Et c’étaient des cris, des galops, des poussées, et nos cheveux s’envolaient, et nous étions rouges !… Bah ! ça ne m’empêchait pas de travailler, au contraire ! Une fois à l’étude, nous luttions, ainsi qu’en récréation, nous nous battions à qui en saurait davantage et serait la première de la classe.

Elle en riait encore de bon cœur, tandis que Pierre la regardait émerveillé, tant elle lui semblait rose et saine, sous le petit chapeau de feutre noir qu’une longue épingle d’argent fixait dans l’épais chignon. Ses admirables cheveux bruns, relevés très haut, découvraient sa nuque fraîche, qui restait d’une délicatesse d’enfance. Et jamais il ne l’avait sentie si souple dans sa force, les hanches solides, la poitrine large, mais d’une finesse, d’une grâce charmantes. Quand elle riait ainsi, ses yeux brûlaient de joie, le bas de son visage, sa bouche et son menton qu’elle avait un peu forts, s’éclairaient d’une infinie bonté.

— Ah ! la culotte, la culotte ! continuait-elle en plaisantant. Dire qu’il y a des femmes qui s’entêtent à garder leur jupe pour monter à bicyclette !

Et, comme il déclarait qu’elle était très bien dans son costume, sans intention galante d’ailleurs, uniquement désireux de constater le fait :

— Oh ! moi, je ne compte pas… Je ne suis pas belle,