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Pierre, devenu le camarade de ses trois grands gaillards de neveux, avait, en quelques leçons, appris d’eux à monter à bicyclette, pour les accompagner dans leurs promenades matinales ; et, deux fois déjà, il les avait suivis, ainsi que Marie, du côté du lac d’Enghien, par des routes durement pavées. Un matin que la jeune fille s’était promis de le mener jusqu’à la forêt de Saint-Germain, avec Antoine, celui-ci, au dernier moment, ne put partir. Elle était habillée, culotte de serge noire, petite veste de même étoffe, sur une chemisette de soie écrue, et la matinée d’avril était si claire, si douce, qu’elle s’écria gaiement :

— Ah ! tant pis, je vous emmène, nous ne serons que tous les deux !… Je veux absolument que vous connaissiez la joie de rouler sur une belle route, parmi de beaux arbres.

Mais, comme il n’était pas encore très aguerri, ils décidèrent, qu’ils iraient, avec leurs machines, prendre le chemin de fer jusqu’à Maisons-Laffitte. Puis, après avoir gagné la forêt à bicyclette, ils la traverseraient, remonteraient vers Saint-Germain, d’où ils reviendraient également par le chemin de fer.

— Vous serez ici pour le déjeuner ? demanda Guillaume, que cette escapade amusait et qui regardait en souriant son frère, tout en noir aussi, bas de laine noirs, culotte et veston de cheviotte noire.

— Oh ! certainement, répondit Marie. Il est à peine huit heures, nous avons bien le temps. D’ailleurs, mettez-vous à table, nous rentrerons toujours.

Ce fut une matinée délicieuse. Au départ, Pierre s’imaginait qu’il était avec un bon camarade, ce qui rendait toute naturelle cette sortie, cette envolée à deux, par le tiède soleil printanier. Les costumes presque identiques, dans la liberté d’allures qu’ils permettaient, aidaient sans doute à cette fraternité joyeuse, d’une tranquille