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adroite inspiration de lui conseiller d’aller voir monseigneur Martha, pour se confesser à lui, dans l’espoir qu’un prêtre de cette autorité trouverait les paroles nécessaires, qui le ramèneraient à la foi. Mais Pierre osa dire que, s’il sortait de l’Église, c’était après y avoir rencontré un pareil artisan de mensonge et de despotisme, faisant de la religion une diplomatie corruptrice, rêvant de ramener les hommes à Dieu par la ruse. Et l’abbé Rose, alors, désespéré, debout, ne trouva plus qu’un argument, montra d’un geste la basilique qui se dressait près d’eux, dans sa masse géante, inachevée, carrée et trapue, en attendant le dôme qui la couronnerait.

— C’est la maison de Dieu, mon enfant, le monument d’expiation et de triomphe, de pénitence et de pardon. Vous y avez dit la messe, vous la quittez en parjure et en sacrilège.

Pierre, lui aussi, s’était levé. Et ce fut dans une exaltation de santé et de force qu’il répondit :

— Non, non ! j’en sors par ma libre volonté, comme on sort d’un caveau pour retourner au grand air, au grand soleil. Dieu n’est pas là, il n’y a là qu’un défi à la raison, à la vérité, à la justice, un colossal édifice qu’on a dressé le plus haut possible, comme une citadelle de l’absurde, dominant Paris, qu’il insulte et qu’il menace.

Puis, voyant les yeux du vieux prêtre se remplir de nouvelles larmes, éperdu lui-même de leur rupture au point de sangloter, il voulut fuir.

— Adieu ! Adieu !

Mais l’abbé Rose l’avait déjà pris dans ses bras, le baisait comme la brebis révoltée, qui reste la plus chère.

— Pas adieu ! pas adieu, mon enfant ! Dites-moi au revoir ! Dites-moi que nous nous retrouverons encore, au moins parmi ceux qui pleurent et qui ont faim ! Vous avez beau croire que la charité a fait banqueroute, est-ce que nous ne nous aimerions pas toujours dans nos pauvres ?