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s’il ne devait plus être un homme. Il avait vécu jusque-là si frissonnant, si malhabile, si perdu dans le renoncement et dans le songe ! Ne plus pouvoir, ne plus pouvoir, cela le hantait d’une terreur dont il craignait d’être paralysé. Et, quand enfin il se décida, ce fut dans l’angoisse, simplement par loyauté.

Le lendemain, lorsque Pierre revint à Montmartre, il était en pantalon et en veston de couleur sombre. Mère-Grand et les trois fils n’eurent ni un cri de surprise ni même un regard qui pût le gêner. Cela n’était-il pas naturel ? Ils l’accueillirent de leur air tranquille de tous les jours, peut-être même avec plus d’affection, pour lui éviter le premier embarras. Mais Guillaume, lui, se permit un bon sourire. Il voyait là son œuvre. La guérison venait, comme il l’avait espéré, par lui, chez lui, dans le plein soleil, dans la vie que le grand vitrage laissait entrer à larges flots.

Marie, elle aussi, avait levé les yeux, regardait Pierre. Elle ignorait tout ce que son mot si logique : « Pourquoi ne l’ôtez-vous pas ? » lui avait fait souffrir. Et elle trouva simplement plus commode pour le travail, qu’il eût ôté sa soutane.

— Pierre, venez donc voir… Je m’amusais justement, lorsque vous êtes arrivé, à suivre, là-bas, sur Paris, ces fumées que le vent couche vers l’est. On dirait des navires, toute une escadre innombrable que le soleil empourpre. Oui, oui ! des vaisseaux d’or, des milliers de vaisseaux d’or qui partent de l’océan de Paris, pour aller instruire et pacifier la terre.