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Pendant ce temps, Hyacinthe renouvelait connaissance avec François et Antoine, qu’il avait eus pour condisciples au lycée Condorcet. Il n’était venu avec la princesse qu’à contrecœur, inquiet de la corvée ; et il cédait uniquement à la sourde peur qu’il avait d’elle, depuis qu’elle le battait. Cette petite maison d’un chimiste réprouvé l’emplissait de dédain. Il crut devoir exagérer encore sa supériorité, devant d’anciens camarades qu’il retrouvait dans la basse ornière commune, au travail comme tout le monde.

— Ah ! c’est vrai, dit-il à François en train de prendre des notes dans un livre, tu es entré à l’École Normale, tu prépares un examen, je crois… Moi, que veux-tu ? l’idée d’un collier quelconque me fait horreur. Je deviens stupide, dès qu’il s’agit d’un examen, d’un concours. L’infini est la seule route possible… Et puis, la science, entre nous, quelle duperie, quel rétrécissement de l’horizon ! Autant vaut-il rester le petit enfant dont les yeux s’ouvrent sur l’invisible. Il en sait davantage.

François, ironique parfois, se plut à lui donner raison.

— Sans doute, sans doute. Mais il faut des dispositions naturelles pour rester le petit enfant… Moi, malheureusement, j’ai la misère d’être dévoré par le besoin de savoir. C’est déplorable, je passe mes jours à me casser la tête sur des livres… Oh ! je n’en saurai jamais beaucoup, c’est certain ; et voilà peut-être la raison pour laquelle je m’efforce d’en savoir toujours davantage… Accorde-moi que le travail est, comme la paresse, une façon de passer la vie, ah ! moins élégante sûrement, car tu dois professer qu’il est moins esthétique.

— Moins esthétique, c’est cela même, reprit Hyacinthe. La beauté n’est jamais que dans l’inexprimé, toute vie qui se réalise tombe à l’abjection.

Cependant, si simple qu’il fût sous l’énormité géniale de ses prétentions, il dut sentir la raillerie. Et il se tourna