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II


Un soir, à la fin d’une bonne journée de travail, comme Pierre aidait Thomas, il s’embarrassa dans la jupe de sa soutane, et manqua de tomber.

Marie, qui avait eu un léger cri d’inquiétude, lui dit :

— Pourquoi ne l’ôtez-vous pas ?

Et elle disait cela sans intention aucune, simplement parce qu’elle trouvait cette robe trop lourde, embarrassante pour certains travaux.

Mais le mot, si droit, si net, s’enfonça dans l’esprit de Pierre, et n’en sortit plus. D’abord, il n’en fut que frappé. Puis, la nuit venue, dès qu’il fut seul dans sa petite maison de Neuilly, il sentit le mot qui le gênait, qui peu à peu lui causait une souffrance, une fièvre intolérable. « Pourquoi ne l’ôtez-vous pas ? » En effet, il aurait dû l’ôter, quelle était donc la raison qui, jusque-là, l’avait empêché d’ôter cette robe si pesante, si douloureuse à ses épaules ? Et l’affreux débat commença, il passa une nuit terrible, sans pouvoir dormir, à revivre toutes ses tortures anciennes.

Cela, pourtant, semblait si facile, de quitter le costume, puisqu’il ne remplissait plus la fonction. Depuis quelque temps, il avait cessé de dire sa messe, et c’était la vraie rupture, l’abandon décisif du sacerdoce. Mais, cette messe, il pouvait la dire de nouveau. Tandis que le jour où il ôterait la soutane, il sentait bien qu’il se dénuderait, qu’il sortirait de la prêtrise, pour ne plus jamais y rentrer. Et c’était donc l’irrévocable décision à prendre.