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gnée éclatante alla fertiliser le quartier des ateliers et des usines.

— Ah ! la moisson ! reprit Guillaume gaiement, qu’elle pousse donc vite, dans cette bonne terre de notre grand Paris, retournée par tant de révolutions, engraissée par le sang de tant de travailleurs ! Il n’est que cette terre-là au monde pour que l’idée y germe, y fleurisse… Oui, oui ! Pierre a raison, c’est le soleil qui ensemence Paris du monde futur, qui ne poussera que de lui.

Et Thomas, et François, et Antoine, rangés derrière leur père, exprimèrent la même certitude, d’un hochement de tête ; pendant que Mère-Grand, de son air grave, les yeux au loin, semblait voir resplendir l’avenir.

— Un rêve, et dans combien de siècles ! murmura Pierre, repris de frisson. Ce n’est pas pour nous.

— Eh bien ! ce sera pour les autres ! s’écria Marie. Est-ce que cela ne suffit pas ?

Ce beau cri remua profondément Pierre. Et, tout d’un coup, il eut le souvenir d’une autre Marie, l’adorable Marie de sa jeunesse, cette Marie de Guersaint, guérie à Lourdes, et dont la perte avait à jamais vidé son cœur. Est-ce que la Marie nouvelle qui lui souriait là, d’un charme si calme et si fort, allait guérir l’ancienne blessure ? Il revivait, depuis qu’elle était son amie.

Et, devant eux, à longs gestes, de la vivante poussière d’or de ses rayons, le soleil ensemençait Paris, pour la grande moisson future de justice et de vérité.