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jamais le père n’aurait cédé à son cœur, si la femme qu’il installait dans la famille, ne s’y était pas trouvée déjà, acceptée, aimée. Et, maintenant, la dernière semaine de juin, pour toutes sortes de raisons, paraissait être une bonne date.

Marie entendit, se tourna gaiement.

— N’est-ce pas, ma chère, demanda Mère-Grand, la fin de juin, c’est très bien ?

Pierre s’attendait à voir une rougeur intense envahir les joues de la jeune fille. Mais elle resta très calme, elle avait pour Guillaume une affection profonde, une reconnaissance d’une infinie tendresse, certaine d’ailleurs qu’en l’épousant elle faisait un acte très sage et très bon, pour elle et pour les autres.

— Parfaitement, la fin de juin, répéta-t-elle, c’est très bien.

Les fils, qui avaient compris, se contentèrent de hocher la tête, pour donner, eux aussi, leur assentiment.

Quand on se fut levé de table, Pierre voulut absolument partir. Pourquoi donc souffrait-il ainsi, et de ce déjeuner si cordial dans sa bonhomie, et de cette famille si heureuse d’avoir enfin le père parmi elle, et surtout de cette jeune fille si paisible, si riante à la vie ? Elle l’irritait, son malaise était devenu intolérable. De nouveau, il prétexta des courses sans nombre. Puis, il serra les mains des trois garçons qui se tendaient vers lui, serra même celles de Mère-Grand et de Marie, toutes deux amicales, un peu surprises de sa hâte à les quitter. Et Guillaume, après avoir vainement essayé de le retenir, soucieux et attristé, l’accompagna, l’arrêta au milieu du petit jardin, pour le forcer à une explication.

— Voyons, qu’as-tu ? Pourquoi te sauves-tu ?

— Mais je n’ai rien, je t’assure. J’ai quelques affaires pressées, voilà tout.

— Non, laisse ce prétexte, je t’en prie… Personne ici,