Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/368

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

emménager dans son cerveau. Antoine montra le bois qu’il terminait, sa petite amie Lise, la sœur du sculpteur Jahan, lisant au soleil dans un jardin, toute une floraison de la créature attardée, qu’il avait éveillée à l’intelligence par la tendresse. Et, tout en causant, les trois frères avaient repris leurs places, s’étaient remis au travail, naturellement, par la forte discipline qui avait fait du travail leur vie même.

Guillaume, plein d’aise, donnait un coup d’œil à la besogne de chacun.

— Ah ! mes petits, ce que j’ai préparé, ce que j’ai mis au point, moi aussi, pendant que j’étais sur le dos ! J’ai même pris pas mal de notes… Nous sommes venus à pied ; mais une voiture va m’apporter tout ça, avec les vêtements et le linge que Mère-Grand m’a envoyés… Et quelle joie de retrouver tout ici, de reprendre avec vous la tâche commencée ! Ah ! je vais en abattre !

Déjà, il était dans son coin, à lui. Entre la forge et le vitrage, il avait toute une large place réservée, son fourneau de chimiste, des vitrines et des planches chargées d’appareils, une longue table dont l’un des bouts lui servait de bureau. Et, déjà, il reprenait possession de cet univers, ses regards s’étaient promenés, heureux de revoir tout en ordre, ses mains furetaient, touchaient les objets, avec la hâte de se remettre, ainsi que ses trois fils, à la besogne.

Mais, en haut du petit escalier qui conduisait aux chambres, Mère-Grand venait de paraître, calme et grave, très droite, dans son éternelle robe noire.

— C’est vous, Guillaume. Voulez-vous monter un instant ?

Il monta, il comprit qu’elle désirait le renseigner, le rassurer, en lui disant tout de suite ce qu’elle avait à lui dire sans témoins. C’était le secret redoutable entre eux, l’unique chose que ses fils ne savaient pas, la grande chose