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Livre quatrième



I


Par ce doux matin des derniers jours de mars, lorsque Pierre quitta la petite maison de Neuilly, avec son frère Guillaume, pour l’accompagner à Montmartre, il eut un grand serrement de cœur, en songeant qu’il y rentrerait seul, et qu’il y retomberait dans son désastre et dans son néant. Il n’avait point dormi, il était éperdu d’amertume, cachant sa peine, s’efforçant de sourire.

En voyant le ciel si clair et si tendre, les deux frères avaient résolu d’aller à pied, une longue promenade par les boulevards extérieurs. Neuf heures sonnaient. Ce fut charmant, cette conduite ainsi faite au grand frère, qui s’égayait à la pensée de la bonne surprise qu’il réservait aux siens, comme au retour d’un voyage. Il ne les avait point avertis, il s’était contenté, depuis sa disparition, de leur écrire de temps à autre, pour leur donner de ses nouvelles. Et ses trois fils n’étaient pas venus le voir, par prudence, respectant son désir ; et la jeune fille qu’il devait épouser, avait elle-même attendu sagement, tranquille et discrète.

En haut, quand ils eurent gravi les pentes ensoleillées