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l’attentat et la crise parlementaire, qui lui faisait désirer que cette dernière fût complètement vidée, avant que Guillaume reprît son existence habituelle.

— Écoute, lui dit-il, je vais passer chez Morin, pour le prier de venir dîner, car il faut absolument que Barthès soit averti ce soir du nouveau coup qui le frappe… Puis, j’irai jusqu’à la Chambre, je veux savoir. Ensuite, je te laisserai partir.

Dès une heure et demie, Pierre arrivait au Palais-Bourbon. Et, comme il songeait que Fonsègue le ferait entrer sans doute, il rencontra, dans le vestibule, le général de Bozonnet, qui avait justement deux cartes, un ami à lui n’ayant pu venir, au dernier moment. La curiosité était énorme, on annonçait dans Paris une séance passionnante, on se disputait âprement les cartes depuis la veille. Jamais Pierre ne serait entré, si le général ne l’avait pris avec lui, en homme aimable, heureux aussi d’avoir un compagnon pour causer, car il expliquait qu’il venait passer simplement là son après-midi, comme il l’aurait tué à tout autre spectacle, au concert ou dans une vente de charité. Il y venait aussi pour s’indigner, pour se repaître de la honteuse bassesse du parlementarisme, dans son mécontentement d’ancien légitimiste devenu bonapartiste, doublement fini.

En haut, Pierre et le général purent se glisser au premier banc de la tribune. Ils y trouvèrent le petit Massot, qui les fit asseoir à sa droite et à sa gauche, en s’amincissant encore. Il connaissait tout le monde.

— Ah ! vous avez eu la curiosité d’assister à ça, mon général. Et vous, monsieur l’abbé, vous êtes venu vous exercer à la tolérance et au pardon des injures… Moi, je suis un curieux par métier, vous voyez un homme qui a besoin d’un sujet d’article ; et, comme il n’y avait plus que de mauvaises places, dans la tribune de la presse, j’ai réussi à m’installer commodément ici… Une belle séance