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ici ? Est-ce que c’est nous qu’on vient arrêter ?… Oh ! que ce serait drôle !

En effet, le commissaire de police Dupot et l’agent Mondésir se décidaient à entrer sous la véranda, pour visiter le restaurant, après les recherches vaines que leurs hommes venaient de faire dans l’écurie et dans la remise. Leur conviction était absolue, l’homme ne pouvait être que là. Dupot, un petit monsieur maigre, très chauve, très myope, portant des lunettes, avait son air d’ennui et de lassitude habituel, au fond très éveillé et d’un courage indomptable. Lui n’avait pas d’arme ; mais, comme il s’attendait aux pires violences, à une défense furieuse de loup forcé, il venait de conseiller à Mondésir d’armer son revolver et de le tenir prêt dans sa poche. Pourtant, Mondésir, râblé et carré comme un dogue, qui flairait de son nez camard, dut le laisser passer le premier, par respect hiérarchique.

D’un vif coup d’œil, derrière ses lunettes, le commissaire avait dévisagé les quatre consommateurs, ce prêtre, cette femme, puis les deux autres, des gens quelconques. Et, les dédaignant, il voulait tout de suite monter au premier étage, lorsque le garçon, épouvanté par cette brusque invasion de la police, perdit la tête, bégaya :

— C’est qu’il y a, là-haut, un monsieur et une dame, dans un cabinet.

Dupot l’écarta tranquillement.

— Un monsieur et une dame, ce n’est pas ce que nous cherchons… Allons, vite ! ouvrez toutes les portes, il faut que pas une porte d’armoire ne reste fermée.

Puis, en haut, ils visitèrent toutes les pièces, tous les recoins, et il n’y eut que le cabinet où se trouvaient Ève et Gérard, que le garçon ne put ouvrir, parce que le verrou était mis à l’intérieur.

— Ouvrez donc, cria le garçon dans la serrure, ce n’est pas pour vous.