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sègue, leur serra la main, serra également celle de Pierre. Il était, ce matin-là, d’une bonne grâce infinie, dans son désir de s’attacher tous les cœurs. Ses yeux noirs et vifs souriaient, son beau visage aux lignes correctes et fermes n’était que caresse. Et il entra dans le cabinet du ministre avec grâce, sans hâte, de son air aisé de conquête.

Maintenant, dans le ministère désert, il n’y avait plus que Monferrand et monseigneur Martha, enfermés, causant sans fin. On avait cru que le prélat ambitionnait la députation. Mais il jouait un rôle plus utile, plus souverain, à gouverner dans l’ombre, à être l’âme directrice de la politique du Vatican en France. La France ne restait-elle pas la Fille aînée de l’Église, la seule grande nation qui pourrait un jour rendre à la papauté sa toute-puissance ? Il avait accepté la république, il prêchait le ralliement, il passait pour être, à la Chambre, l’inspirateur du nouveau groupe catholique. Et Monferrand, frappé des progrès de l’esprit nouveau, de cette réaction du mysticisme, qui se flattait d’enterrer la science, était plein d’amabilités, en homme à la forte poigne, utilisant, pour sa victoire, toutes les forces qui s’offraient.