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Mais, avec une parfaite urbanité, l’évêque n’en voulut rien faire.

— Non, non, monsieur l’abbé Froment était là avant moi. Veuillez le recevoir.

Il fallut que Monferrand cédât, fît entrer le prêtre, et ce ne fut pas long. Lui qui usait d’une diplomatique réserve, dès qu’il se trouvait devant un membre du clergé, lâcha tout d’un paquet l’affaire de Barthès. Pierre, depuis deux heures qu’il attendait, venait de passer par les angoisses les plus vives, car la seule explication naturelle à la lettre reçue était qu’on avait découvert chez lui la présence de son frère. Qu’allait-il se passer ? Et, lorsqu’il entendit le ministre ne lui parler que de Barthès, lui expliquer que le gouvernement aimait mieux savoir Barthès en fuite que d’être forcé de l’envoyer une fois de plus en prison, il resta un instant déconcerté, ne comprenant pas. Comment la police, qui avait su trouver le légendaire conspirateur dans la petite maison de Neuilly, semblait-elle y totalement ignorer celle de Guillaume ? C’était là le génie plein de trous des grands policiers.

— Alors, monsieur le ministre, que désirez-vous de moi ? Je ne comprends pas très bien.

— Mon Dieu ! monsieur l’abbé, je laisse tout ceci à votre prudence. Dans quarante-huit heures, si cet homme était encore chez vous, nous serions obligés de l’arrêter, ce qui serait pour nous un chagrin, car nous n’ignorons pas que votre demeure est l’asile de toutes les vertus… Conseillez-lui donc de quitter la France. Il ne sera pas inquiété.

Et, vivement, Monferrand ramena Pierre dans l’antichambre. Puis, souriant, courbé en deux :

— Monseigneur, je suis tout à vous… Entrez, entrez, je vous prie.

Le prélat qui causait gaiement avec Duvillard et Fon-