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ne sera pas de trop, il est homme de bon conseil, et souvent son journal suffit à donner la victoire.

— Comment, Fonsègue est là ! cria Monferrand. Je ne demande pas mieux que de lui serrer la main. De vieilles histoires qui ne regardent personne ! Ah ! grand Dieu ! si vous saviez combien je manque de rancune !

Lorsque l’huissier eut introduit Fonsègue, la réconciliation eut lieu tout simplement. Ils s’étaient connus au collège, dans leur Corrèze natale, et ils ne se parlaient plus depuis dix ans, à la suite d’une abominable histoire, dont personne ne savait au juste les détails. Mais il est des heures où il faut bien enterrer les cadavres, lorsqu’on est forcé de déblayer le champ, pour une bataille nouvelle.

— Tu es gentil de revenir le premier. Alors, c’est fini, tu ne m’en veux plus ?

— Eh ! non ! À quoi bon se dévorer, lorsqu’on aurait tout intérêt à s’entendre ?

Sans autre explication, on en vint à la grande affaire, la conférence commença. Et, lorsque Monferrand eut dit la volonté de Barroux d’avouer, d’expliquer sa conduite, les deux autres se récrièrent. C’était la chute certaine, on saurait bien l’en empêcher, il ne ferait pas une pareille sottise. Ensuite, on discuta tous les moyens imaginables de sauver le ministère en péril, car ce devait être là l’unique désir de Monferrand. Et lui-même affectait de chercher avec passion le moyen de tirer d’embarras ses collègues et lui-même, bien qu’il gardât, aux coins des lèvres, un mince sourire. Enfin, il sembla vaincu, il ne chercha plus.

— Allez, le ministère est par terre !

Les deux autres se regardèrent, anxieux de confier au hasard du prochain cabinet l’affaire des Chemins de fer africains. Un cabinet Vignon se piquerait sans doute d’honnêteté.