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Cette fois, Duvillard se révolta.

— Ah ! non, par exemple ! Cette chanson est une vraie saleté, jamais je ne vous conduirai dans ce mauvais lieu !

Elle ne parut pas l’entendre, déjà debout et chancelante, riant, arrangeant ses cheveux devant une glace.

— Et puis, j’ai habité Montmartre, ça m’amuse d’y retourner. Avec ça, je voudrais savoir si ce Legras est un Legras que j’ai connu, oh ! il y a longtemps… Ouste ! partons !

— Mais, ma chère, nous ne pouvons vous mener dans ce bouge, avec votre toilette. Vous voyez-vous entrer là-dedans, décolletée, couverte de diamants ! Nous nous ferions huer… Gérard, je vous en prie, dites-lui d’être un peu raisonnable.

Gérard, que l’idée d’une telle équipée blessait également, voulut intervenir. Elle lui ferma la bouche de sa main déjà gantée, elle répéta avec l’obstination gaie de l’ivresse :

— Zut ! si l’on nous engueule, ce sera bien plus drôle… Partons, partons vite !

Alors, Dutheil qui écoutait en souriant, de son air d’homme de plaisir que rien n’étonne ni ne fâche, se mit galamment de son côté.

— Le Cabinet des Horreurs, mon cher baron, mais tout le monde y va, j’y ai conduit les plus nobles dames, et justement pour cette chanson de la Chemise, qui n’est pas plus sale qu’autre chose.

— Ah ! tu entends, mon gros, ce que dit Dutheil ! cria Silviane triomphante. Et il est député, lui ! il n’irait pas compromettre son honorabilité.

Puis, comme Duvillard se débattait, désespéré de s’afficher avec elle dans le scandale d’un tel lieu, elle ne se fâcha pas, s’égaya davantage au contraire.

— À ton aise, mon gros, après tout ! Je n’ai pas besoin