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le disaient certains journaux ? Ou bien était-ce vraiment la bonne piste ? La police allait-elle enfin l’arrêter ? Et Amadieu se défendait, répondait avec raison que l’affaire ne le regardait pas encore, qu’elle ne deviendrait sienne que si ce Salvat était arrêté et si on lui confiait l’instruction. Seulement, dans son air d’importance finaude, dans sa correction de magistrat mondain aux yeux d’acier, perçaient toutes sortes de sous-entendus, comme s’il était au courant déjà des moindres détails et qu’il eût promis de grands événements pour le lendemain. Des dames faisaient cercle, un flot de jolies femmes, enfiévrées de curiosité, se bousculant pour entendre cette histoire de brigand, qui leur mettait la petite mort à fleur de peau. Amadieu s’esquiva, lorsqu’il eut payé vingt francs, à la princesse Rosemonde, un étui à cigarettes qui valait bien trente sous.

Massot, en reconnaissant Pierre, était venu lui serrer la main.

— N’est-ce pas ? monsieur l’abbé, ce Salvat doit être loin, s’il a de bonnes jambes et s’il court toujours… La police me fera toujours rire.

Mais Rosemonde lui amenait Hyacinthe.

— Monsieur Massot, vous qui allez partout, je vous prends pour juge… Le Cabinet des Horreurs, à Montmartre, la taverne où Legras chante ses Fleurs du pavé…

— Un endroit délicieux, madame. Je n’y mènerais pas un gendarme.

— Ne plaisantez pas, monsieur Massot, c’est très sérieux. N’est-ce pas qu’une femme honnête peut y aller, quand un monsieur l’accompagne ?

Et, sans lui laisser le temps de répondre, elle se tourna vers Hyacinthe.

— Ah ! vous voyez bien que monsieur Massot ne dit pas non. Vous m’y conduirez ce soir, c’est juré, c’est juré !

Et elle se sauva, elle retourna vendre un paquet