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la donner vous-même à votre protégé, à ce Laveuve, que vous m’avez recommandé si chaudement… Toutes les formalités sont remplies, vous pouvez nous l’amener demain à l’Asile.

Stupéfait, Pierre la regardait.

— Laveuve… Il est mort !

À son tour, elle s’étonna.

— Comment, il est mort !… Mais vous ne m’en avez rien dit ! Si je vous contais tout le mal qu’on s’est donné, tout ce qu’il a fallu défaire et refaire, et les discussions, et les paperasses ! Vous êtes sûr qu’il est mort ?

— Oh ! oui, il est mort… Il y a un mois qu’il est mort.

— Un mois qu’il est mort ! Nous ne pouvions pas savoir, vous ne nous avez plus donné signe de vie… Ah ! mon Dieu ! quel ennui qu’il soit mort, cela va nous forcer à tout défaire encore une fois !

— Il est mort, madame, j’aurais dû vous en prévenir, c’est vrai. Mais, que voulez-vous ? il est mort !

Et ce mot de mort qui revenait, l’aventure de ce mort dont elle s’occupait depuis un mois, la glaçait, achevait de la désespérer, comme le mauvais présage de la mort froide où elle se sentait descendre, dans le linceul de son dernier amour. Tandis que Pierre, malgré lui, souriait amèrement de tant d’ironie atroce. Ah ! charité boiteuse, qui vient lorsque les gens sont morts !

Le prêtre resta sur la banquette, quand la baronne dut se lever, en voyant arriver le juge d’instruction Amadieu, très pressé, ayant hâte de faire acte de présence et d’acheter un menu objet, avant de retourner au Palais. Mais le petit Massot, le reporter du Globe, qui rôdait autour des comptoirs, l’aperçut, fondit sur lui, en mal de renseignements. Il l’enveloppa, le soumit à la question, pour savoir où en était l’affaire de ce Salvat, cet ouvrier mécanicien qu’on accusait d’avoir déposé la bombe sous le porche. N’était-ce qu’une invention de la police, comme