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— Oui, comme à une petite fille qu’on veut amuser… Jamais il ne t’a dit qu’il était résolu à t’épouser.

— Il me l’a dit encore la dernière fois qu’il est venu. Et c’est arrangé, j’attends qu’il décide sa mère et qu’il fasse sa demande.

— Ah ! tu mens, tu mens, malheureuse ! Tu veux me faire souffrir, et tu mens, tu mens !

Sa douleur, enfin, éclatait dans ce cri de protestation. Elle ne sut plus qu’elle était mère, qu’elle parlait à sa fille. La femme amoureuse seule demeurait, outragée, exaspérée par une rivale. Et elle avoua, en un sanglot.

— C’est moi, moi qu’il aime ! La dernière fois, il m’a juré, tu entends ! juré sur son honneur, qu’il ne t’aimait pas, que jamais il ne t’épouserait.

Camille, riant de son rire aigu, prit un air d’apitoiement railleur.

— Ah ! ma pauvre maman, tu me fais de la peine. Es-tu assez enfant ! Oui, en vérité, c’est toi qui es l’enfant… Comment ! toi qui devrais avoir tant d’expérience, tu te laisses prendre encore aux protestations d’un homme ! Et celui-là n’est pas méchant, et c’est même pourquoi il te jure tout ce que tu veux, un peu lâche au fond, désireux surtout de te faire plaisir.

— Tu mens, tu mens !

— Voyons, raisonne… S’il ne vient plus, s’il a esquivé ce matin le déjeuner, c’est qu’il a de toi par-dessus la tête. Tu es lâchée, ma pauvre maman, il faut que tu aies le courage de te bien mettre cela dans la tête. Il reste gentil, parce qu’il est bien élevé et qu’il ne sait comment rompre. Enfin, il a pitié de toi.

— Tu mens, tu mens !

— Mais questionne-le, en bonne mère que tu devrais être. Aie une franche explication avec lui, demande-lui amicalement ce qu’il entend faire. Et sois gentille à ton tour, comprends que, si tu l’aimes, tu devrais me le