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— Celui-ci n’est qu’un grotesque… Et comment voulez-vous que leur mysticisme, que le réveil du spiritualisme, allégué par les doctrinaires qui ont lancé la fameuse banqueroute de la science, soit vraiment pris au sérieux, lorsqu’il aboutit, en une si brève évolution, à de telles insanités dans les arts et dans les lettres ? Quelques années d’influence ont suffi, voici le satanisme, l’occultisme, toutes les aberrations qui fleurissent ; sans parler de Gomorrhe et de Sodome réconciliées, dit-on, avec la Rome nouvelle. Aux fruits, l’arbre n’est-il pas jugé ? et, au lieu d’une renaissance, d’un profond mouvement social ramenant le passé, n’est-il pas évident que nous assistons simplement à une réaction transitoire, que bien des causes expliquent ? Le vieux monde ne veut pas mourir, il se débat dans une convulsion dernière, il semble ressusciter pour une heure, avant d’être emporté par le fleuve débordé des connaissances humaines, dont le flot grossit toujours. Et là est l’avenir, le monde nouveau que la vraie jeunesse apportera, celle qui travaille, celle qu’on ne connaît pas, qu’on n’entend pas… Mais, tenez ! prêtez l’oreille, et peut-être l’entendrez-vous, car nous sommes ici chez elle, dans son quartier, et le grand silence qui nous entoure n’est fait que du labeur de tant de jeunes cerveaux, penchés sur la table de travail, le livre lu, la page écrite, la vérité conquise chaque jour davantage.

D’un geste large, au-delà du jardin du Luxembourg, François indiquait les institutions, les lycées, les Écoles supérieures, les Facultés de droit et de médecine, l’Institut avec ses cinq Académies, les bibliothèques et les musées sans nombre, tout ce domaine du travail intellectuel, qui occupe un vaste champ de Paris immense. Et Pierre, ému, ébranlé dans sa négation, crut entendre en effet monter des classes, des amphithéâtres, des laboratoires, des salles de lecture, des simples chambres d’étude, le grand murmure sourd du travail de toutes ces intelli-