Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

profond, lors de sa visite à Montmartre. Le neveu, du reste, fit à l’oncle un accueil cordial, d’une libre expansion de jeunesse, heureux aussi d’avoir des nouvelles de son père.

Bertheroy commença. Il parlait d’une façon familière, très sobrement, avec des trouvailles de mots. Il résuma d’abord les recherches, les travaux déjà considérables qu’il avait faits sur les matières explosives. En riant, il contait qu’il manipulait parfois des poudres à faire sauter le quartier. Mais il rassura son public, il était prudent. Puis, il finit par s’occuper de la bombe de la rue Godot-de-Mauroy, qui révolutionnait tout Paris, depuis quelques jours. Les débris venaient d’en être soigneusement examinés par des experts, on lui en avait apporté à lui-même un fragment, pour qu’il donnât son avis. Cette bombe paraissait assez mal fabriquée, chargée de petits morceaux de fer, d’un allumage à mèche enfantin. Seulement, l’extraordinaire, c’était la formidable puissance de la cartouche centrale, qui, toute petite qu’elle devait être, avait produit des effets foudroyants. On se demandait à quelle force calculable de destruction on arriverait, si l’on décuplait, si l’on centuplait la charge. Et l’embarras commençait, les discussions achevaient d’obscurcir le problème, dès qu’on voulait se prononcer sur la nature de la poudre employée. Sur les trois experts, l’un reconnaissait simplement la dynamite, tandis que les deux autres, sans d’ailleurs s’entendre, croyaient à des mélanges. Quant à lui, très modestement, il s’était récusé, les fragments qu’on lui avait soumis portant des traces en vérité trop légères pour qu’on se livrât à une analyse. Il ne savait pas, il ne voulait pas conclure. Mais sa conviction était qu’on se trouvait en face d’une poudre inconnue, d’un explosif nouveau, dont la puissance dépassait tout ce qu’on avait pu concevoir jusque-là. Il imaginait quelque savant solitaire, ou bien un de ces in-